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SUMMARY:Le Désordre
LOCATION:Université d'Angers\, 17 et 18 novembre 2017
DESCRIPTION;ENCODING=QUOTED-PRINTABLE:
Désordre financier, climatique, social, politique ou même amo
ureux
[1], notre époque moderne &nd
ash; plus que toute autre époque – semble faire du désordre une de se
s constantes structurelles, omniprésente et virulente. Sous l’impulsi
on des crises, des guerres et des révolutions, les repères se brouillent et
les modèles vacillent et c’est tout notre rapport au réel, au présen
t, à une certaine idée de la vérité qui se trouve bouleversé par l’ir
ruption du désordre dans le quotidien. Le désordre revêt alors les habits d
u chaos, de l’anarchie, de la catastrophe. Le mot véhicule craintes e
t angoisses. C’est ainsi que le désordre se retrouve associé à « une
maladie du social qui tient l’individu et par extension la collectivi
té en état d’insécurité »
[2]
(Balandier,
Le Désordre, 197). Nos sociétés cherchent la s
tabilité dans la permanence, la tradition, la continuité ; le désordre, lui
, s’épanouit dans la rupture des normes et le renversement des codes.
Toute société lutte contre le désordre, pourtant aucune d’elle ne pe
ut totalement l’éliminer, à l’exception des états totalitaires
qui bâtissent leur pouvoir sur un ordre figé, un conformisme élémentaire et
rude. La question centrale sera alors celle du rapport de nos sociétés mod
ernes démocratiques aux expressions de désordre. Mouvements sociaux, mouvem
ents contestataires, mouvements politiques ou religieux radicaux se multipl
ient malgré les immenses moyens de répression dont disposent les états pour
lutter contre ces derniers. A travers l’analyse de mouvements de dés
ordre spécifiques tels que des conflits ouvriers, des manifestations de rév
olte de la jeunesse (comme par exemple le cas des manifestations étudiantes
au Mexique ou au Chili), les émeutes raciales aux Etats-Unis ou bien encor
e le hooliganisme au Royaume-Uni, il conviendra de voir comment les états o
nt réagi face au désordre et ont géré ces situations de conflits.
Le désordre dérange, le désordre effraie mais le désordre fasci
ne aussi et c’est cette autre facette du désordre qui sera également
explorée. Imprévisible et destructeur, le désordre peut se révéler exaltant
et créateur, une source de renouveau qui libère une énergie féconde. Le dé
sordre apparaît alors comme nécessaire, l’expression même d’une
société vivante, en mouvement, qui palpite et respire au rythme des turbul
ences, « le cœur même d’une société qui bat » selon Régis Debra
y.
[3] Ici notre attention se porte
ra sur les mouvements populaires qui font bouger les lignes et obligent les
politiques à penser hors du cadre : Podemos en Espagne, Occupy Wall Street
ou de manière plus radicale les printemps arabes sont autant d’exemp
les de la force d’un peuple en mouvement qui bouscule l’ordre é
tabli et force les classes dirigeantes à repenser leur rapport au pouvoir.
Cependant, il existe une autre forme de désordre à l’intérieur même d
es institutions : le vote en faveur du Brexit le 23 juin 2016 ou bien l&rsq
uo;élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique
en offrent des illustrations saisissantes et invitent à s’interroger
sur la fragilité des institutions modernes si facilement perméables à l&rs
quo;éruption du désordre en leur sein.
Penser le désordre c’es
t penser « le complexe, l’imprévisible et l’inédit.
[4]
» Le désordre invite au débat d’idée
s et au renouvellement des modèles établis. Sans désordre, nul renouveau. I
l en va de même pour la littérature et les arts qui auront une place privil
égiée dans ce colloque. Si le désordre effraie le politique, il intrigue et
inspire l’artiste qui voit dans la beauté du désordre une source iné
puisable de création. Le désordre des êtres et du monde n’est-il pas
un des thèmes majeurs de l’artiste ? Toutes les contributions autour
de l’esthétique et de l’écriture du désordre seront les bienven
ues.Au cinéma, le vocable « désordre » se conjugue de multiples manières, q
u’il s’agisse de thématiques, d’esthétiques ou de modes n
arratifs. S’il serait difficile d’appréhender le désordre des f
ilms contemporains, de plus en plus hybrides, sans tenir compte des mécanis
mes de représentation perpétués par le
studio system, il fa
ut également garder à l’esprit qu’à l’instar de la littér
ature, le cinéma produit du sens, tout en spéculant sur les systèmes et ord
res établis. En s’intéressant aux espaces marqués de crises ou de cha
os, conflits sociaux, politiques et/ou militaires, etc., le cinéma s’
avère également capable de semer le désordre en brouillant, plus ou moins r
adicalement, les frontières entre le passé et le présent, le fictionnel et
le non-fictionnel, ainsi qu’entre les médias (cinéma, télévision, ban
des dessinées, internet, etc.).
Comme dans la littérature, il n&rsqu
o;est pas rare d’y trouver un personnage central susceptible de remet
tre en cause l’ordre immuable ou divin, capable d’incarner main
tes tensions entre ordre et désordre, lorsque ce n’est pas désordre f
amilial ou sexuel, ou bien la confusion psychologique d’un corps en d
ésordre, devenu monstrueux, qui est mis en évidence. Si la narration dite «
classique », impulsée par le désir d’un personnage ayant pour foncti
on de faire avancer le récit, continue à imprégner les fictions littéraires
et filmiques, les récits modernes et post-modernes préfèrent troubler le r
êve d’ordre, sans forcément se limiter au « jeu
des personnages ». Ainsi, et bien que le rétablissement de l’
ordre et de la loi (« law and order ») semble parfois s’inscrire au c
œur même du projet de création, jusqu’à en faire l’un de
ses principes structurants, le fait de briser l’horizon d’atten
te permet, par ailleurs, à la fiction de s’ouvrir sur des visions et
des vérités nouvelles.
Par conséquent, outre les brouillages entre c
atégories génériques qui dépassent les typologies relatives aux personnages
, lieux et époques, on pourrait s’interroger, au cours de ce colloque
, sur l’impact des nombreuses techniques narratives, procédés anciens
et actuels qui créent du désordre à la page et à l’écran ; non pas p
our restituer l’ordre, mais pour conduire le lecteur et le spectateur
vers de nouveaux types d’ordonnancement du réel. Une fois abandonnés
les points de vue narratifs fixes et les positions morales clairement étab
lies, la confusion dans les genres permet-elle, surtout dans le contexte ac
tuel marqué par le retour au fantasme de l’ordre, de mieux comprendre
le désordre, y compris celui qui pourrait se dissimuler derrière les mots
d’ordre d’aujourd’hui?
Ainsi, ce colloque pluridisciplinaire sur le thème du désordre offrira un
large espace de discussion et de réflexion sur les multiples facettes du d
ésordre et questionnera les rapports étroits entre désordre, arts, politiqu
e et société.
<
span class="">[1] Pascal BRUC
KNER et Alain FINKIELKRAUT,
Le Nouveau Désordre amoureux, P
aris, Seuil, 1977.
[2] Georges BALANDIER,
Le Désordre, Eloge du mouvement, Paris, Fayard, 1988.
[3] Interview radio de Régis Debray, Europe 1, 14 mai 2016.
[4] G. BALANDIER,
Ibid., p. 10-11.